Par ces mots, Agnès Thurnauer nous ouvre à son monde de création. La toile, c’est d’abord le support d’une peinture qu’elle a choisie envers et contre la mode contemporaine, déniant toute valeur à ce médium artistique contraignant et trop chargé de l’histoire classique de l’art, un choix dans lequel elle persiste, mais en y imprimant sa liberté et sa pensée, quitte à en détourner la contrainte rigide du plan illusionniste. La toile, c’est aussi pour elle l’interface avec le monde : toile du Web, qui exacerbe une mise en relation des mondes et des êtres, toile d’araignée qui, judicieusement placée, attire à elle les particules vivantes de la culture, toile informelle d’un tissu souple qu’elle déploie pour y plonger corps et regard et y tracer, sans la limite d’un châssis encadrant, une proposition de forme que sa pensée vagabonde et son corps en mouvement éprouvent et mettent à l’épreuve.©
Agnès Thurnauer est peintre ; elle le défend jusqu’à réussir à se faire entendre et reconnaître dans l’innovation qu’elle offre. Elle n’est pas peintre de l’expression mais de la pensée, de l’interface avec le monde contemporain et du monde sensible qui y trouve résonance. Sa pensée ne se veut pas aliénation au concept qui préfigurerait la réalisation, dans une quête idéaliste, mais pensée produite et saisie dans sa pérégrination entre être et monde. Elle cultive cette vision pensante évoquée supra qui ouvre le visible et le lisible dans une dialectique du regard embrassant toutes les dimensions exploitables : d’espace, de temps, de virtualité et d’intellectualité.©
« Il faut penser ce que nous voyons et non voir ce que nous pensons. » dit-elle. Et donc, pas de préfiguration pour Agnès Thurnauer qui, dans son acceptation de la surprise et du dérangement, cherche à rendre visible et à donner forme à la pensée en s’engageant dans un processus de recherche plutôt que dans la réalisation d’un objet-tableau. Regarder son œuvre oblige donc à adopter une vision pensante en écho à sa démarche propositionnelle.......
Suite dans ARTISTE FEMININ SINGULIER éd. L’AGE D’HOMME 2009 réédité avec au risque de l'art, sous le titre Créer pour vivre, vivre pour créer, même éditeur, 2013 ©