Changement de dernière minute au programme de nos journées de Montpellier: Conférence inaugurale du jeudi soir:
Terrorisme : les mots pour le dire.
Une conférence d'Alain Chouet
Ancien chef du Service de renseignement de sécurité de la DGSE, diplômé en droit, science politique et langues orientales, Alain Chouet a fait toute sa carrière de 1972 à 2007 dans les services de renseignement français, alternant affectations à l’étranger (Liban, Syrie, Maroc, Genève-ONU, Bruxelles) et postes de responsabilité à l’administration centrale. Spécialiste des problèmes de sécurité dans le monde arabe et islamique, il a été consultant du Centre d’Analyse et de Prévision du M.A.E. et est l’auteur de nombreux ouvrages et articles dans les revues spécialisées (Maghreb-Machrek, Questions internationales, Politique étrangère, Revue de défense nationale, Questions d’Europe, Cahier de l’Orient, etc.).
Il a publié « Au cœur des services spéciaux : la menace islamiste, fausses pistes et vrais dangers », éditions La Découverte, 2013 (pour la seconde édition).
Ce dernier ouvrage qui nous a permis de le connaître, est très remarquable à bien des titres. En particulier par la façon dont il fait écho avec des aspects spécifiques de notre pratique de psychiatre : importance de la parole, de la prise en compte de l'interlocuteur dans sa logique propre, importance du secret afin que quelque chose puisse se produire dans la relation, importance de l'invisible, puisque, par définition, ce que l'on a pu empêcher comme dérive, ne se voit pas . Mais ce qui est encore le plus étonnant, c'est la façon dont il propose de faire une lecture du terrorisme comme étant avant tout une ultime expression de ce qui n'a pas été entendu, écouté, pris en compte.
Cette lecture, qui ne prétend à aucun moment dire le tout sur le tout, a l'immense mérite, non pas d'atténuer l'horreur des actes terroristes, encore moins de nous rassurer, mais de réinscrire certains faits dans la logique d'une histoire complexe, où l'on peut entendre comment certaines dérives ne sont pas survenues par hasard.
En somme, cet ouvrage nous permet de nous réapproprier une part de notre histoire, notamment celle des relations de l'occident avec ces peuples , histoire que pour la plupart nous méconnaissons complètement, avec pour effet de redonner sa dimension humaine à ce que nous rencontrons, ne serait-ce qu'en nous permettant de sortir de la sidération et de l'effroi pour nous remettre à penser, à parler, à mettre en perspective ces événements.
Enfin, la sympathie manifeste d'Alain Chouet pour le monde arabe et islamique, son immense connaissance et sa pratique de ces peuples, donnent à son propos un prix inégalable .
C'est un grand honneur pour nous de pouvoir l'accueillir. Nous le remercions vivement d'avoir accepté de venir nous parler alors même que nous l'avons sollicité à la toute dernière minute.
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En quelques décennies, la pression s’est fortement accrue dans le monde médical en vue de sécuriser les actes de soin. La psychiatrie n’a pas échappé à cette évolution qui, par ailleurs, s’est répandue dans tous les domaines de la société. Plutôt qu’une expérience à affronter dans les épreuves existentielles, le risque est désormais assimilé à un « évènement indésirable ». Il faudrait tout mettre en œuvre pour le prévenir et le « gérer ». Une fois le risque identifié et circonscrit, il n'y aurait plus d'autre choix que de se mettre en conformité avec les réponses programmées. Tout risque doit être anticipé, assuré, et les directives ne cessent de tomber (recommandations, textes législatifs, notes de service…).
« Gérer » devient un des verbes les plus communément conjugués de la langue française, ou plutôt d'une novlangue qui s'impose dans un empêchement à penser la vie. Nombreux sont les psychiatres qui refusent de se transformer en gestionnaires car ils savent que soigner ne va pas sans risque, confrontés qu'ils sont à l'humain, à son désarroi, à sa souffrance, à sa folie. L'acte psychiatrique expose autant le patient que le praticien dans un risque partagé de parler, d'écouter, de révéler, de comprendre, de bousculer un équilibre précaire, de se confronter à l'innommable en soi et en l'autre, mais aussi dans le risque du diagnostic, du choix thérapeutique et de son acceptation. Bref, c’est le vrai risque d'une rencontre où chacun s'expose entre volonté et nécessité.
Ce qui se joue dans la rencontre clinique et le transfert ne va pas sans risque, jusqu'à celui du vertige d'un acte inaugural. C'est précisément ce risque qui ne pourra jamais être «géré», car il relève de l'imprévisible, de ce qui échappe à toute programmation. D’ailleurs, il est rare qu'on oublie ces patients qui nous ont fait psychiatres dans des rencontres fondatrices de notre expérience, parfois bien loin des sentiers battus de la formation universitaire.
Du vertige à l'effroi, il est un risque que le psychiatre ne s'aventure pas à évoquer avec ses pairs. C'est celui auquel il s'expose dans un moment critique du transfert, précisément au moment où le patient se risque à s’y exposer. Ce n'est que dans l'après-coup qu'il est possible de saisir l'importance de cet instant de bascule, lorsqu'en toute inconscience s’ouvre une voie inouïe. Il n'est pas question de rechercher le danger mais d'accepter ce point d’effroi qui peut augurer d'un dénouement thérapeutique.
Oser s’offrir à la rencontre, au colloque singulier avec le patient, aux effets imprévisibles du transfert, à notre propre surdité, à nos peurs et nos limites ; affronter le risque du paiement direct, de la gestion administrative, de la procédure en justice, des pressions des organismes de tutelle… C’est le pari de ces journées que d'échanger sur tous ces risques pris au quotidien dans nos engagements, dans nos fondamentaux et dans notre acte, délibérément ou inconsciemment, mais sans être averti du risque que nous prenons et du risque que le patient prend en venant nous consulter. Il nous appartient aussi de transmettre aux jeunes psychiatres la richesse d'une pratique qui, de ne pas être programmée, en est d'autant plus créative.
Coordination des Journées
Patrice Charbit
Comité Scientifique
Thierry Delcourt (coordination scientifique), Jean-Jacques Bonamour du Tartre, Françoise Duplex, Michel Jurus,Claude Gernez, Jacqueline Légaut, Anne Rosenberg, Capucine Rivière
Comité d’Organisation
Patrice Charbit, Béatrice Guinaudeau, Marie Kretzschmar, Élie Winter
AFPEP – Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
141, rue de Charenton – 75012 – Paris – Tél. : 01 43 46 25 55
Courriel : info@afpep-snpp.org – site Internet : www.afpep-snpp.org
JEUDI 1er OCTOBRE (Salle Rabelais - 27, boulevard Sarrail - 34000 Montpellier)
16 h – 19 h 30 Session DPC
I – Au risque de vieillir - Approche clinique en pratique libérale
Frédéric Aumjaud, Catherine Schott
Coordinateur : Jean-Jacques Bonamour du Tartre
II – Le psychiatre et l’adolescent
Claude Gernez, Thierry Delcourt