LE SÉMINAIRE DE PRINTEMPS de l'AFPEP s'est tenu à Reims en avril 2013
Le diagnostic en psychiatrie serait-il l'otage d'une querelle des anciens et des modernes ? Peut-on réduire le débat autour du diagnostic à l’opposition entre les tenants d’une pensée et d’une pratique psychopathologique, psychanalytique, face à ceux d’une psychiatrie médicale, biologique, neuroscientifique ? Confondant modernité et tabula rasa, doit-on identifier les premiers à de vieux conservateurs incapables de s'adapter au monde actuel et les seconds à des innovateurs seuls à même de détenir et porter la vérité scientifique et le progrès des soins en psychiatrie ?
Au carrefour de la science médicale et des sciences humaines, le diagnostic en psychiatrie concerne l'humain dans sa singularité, son altérité, son inscription sociale et culturelle. Par conséquent, la démarche diagnostique y a ses spécificités, mais qui n’empêchent aucunement de suivre l'évolution sociétale et celle du progrès des sciences.
Même s'il se pose la question d’un diagnostic, le psychiatre inscrit son acte dans la rencontre avec le patient, attentif à l'humilité de ses hypothèses et à la dynamique évolutive humaine qui ne manque pas de générer des surprises obligeant à ajuster, voire à infirmer ce diagnostic.
De plus, nombre de paramètres interfèrent dans la rencontre et donc, dans le diagnostic. Les enjeux y sont importants.
En effet, que devient un diagnostic quand il est l’otage de conflits d'intérêts manifestes avec les tentations induites par le marketing sophistiqué de l'industrie pharmaceutique, avec les institutions qui imposent une soumission la plus volontaire possible ou quand il est la proie de codages visant à quantifier un forfait d'acte, toutes opérations de standardisation entraînant des biais redoutables ?
L'acte psychiatrique perd alors sa spécificité pour se transformer en acte administratif, en acte expert, voire, au pire, en tri sélectif selon le degré de handicap ou la capacité d’adaptation.
Au plus proche de la pratique psychiatrique, il nous faut dessiner les contours d'un diagnostic qui prendrait en compte les fondamentaux d'une psychiatrie humaine tout autant que les travaux récents en neurosciences, génétique, sciences de la cognition et sciences sociales.
À distance des recommandations pré mâchées transformant le psychiatre en exécutant obligé, il nous faut donc dessiner le cadre et le référentiel qui permettront d'inscrire tout progrès, du scientifique au psychopathologique, dans un praticable diagnostic innovant et capable de se modeler au gré de l’évolution, que ce soit celle des patients ou des ajustements indispensables au progrès conceptuel.
Parution du Numéro 160 de la revue PSYCHIATRIES en février 2014 qui reprend les actes de la journée