EMPRISES - Quand ça pense pour moi !
énorme succès de ces journées de l'AFPEP avec des intervenants hors-pair et un débat passionnant.
Strasbourg 3 - 5 octobre 2014
Figure de domination et de dépossession par l’autre, de privation d’une liberté de penser et d’agir, quel rapport l’emprise peut-elle entretenir avec nous et nos pratiques de psychiatres ?
Comment les processus d’emprise s’expriment-ils sur le plan psychopathologique : ceux de l’alcool, des drogues, de l’hallucination, du délire, des obsessions, de la compulsion de répétition, des phobies et de l’hystérie, mais aussi de la passion, du harcèlement moral ou sexuel, de la misère ?
Comment les emprises s’exercent-elles sur le psychiatre : les codes inscrits lors de sa formation, ses options théoriques, sa propre problématique, son identification au maître ou au groupe ?
Que dire de l’emprise en jeu dans la relation psychiatre-patient, laquelle, paradoxe, doit parfois en passer par là pour permettre au patient de se libérer d'autres emprises, y compris de celle de la folie ?
À cela s’ajoutent les normes, classifications et protocoles standardisés qui sont imposés par les recommandations officielles, les choix économiques, sans oublier l’ingérence des médias et de l’industrie pharmaceutique.
Que se joue-t-il derrière toutes ces formes d’emprises auxquelles soignés et soignants sont soumis ? Si l’emprise reste celle d’un autre qui s’impose, faut-il maintenant y ajouter la soumission à un objet élevé au rang de fétiche, investi d’un pouvoir de séduction ?
S’agirait-il de se libérer de toutes ces emprises ? Ou bien nous faut-il travailler à mieux les identifier et les déconstruire ? L'être humain ne peut en effet s'envisager sans emprise, en tant que sujet parlant et divisé, dans son rapport à autrui et dans sa vie sociale.
Une psychiatrie de la personne et du sujet dans son altérité, ne peut se contenter d’entrer en résistance. Elle doit étayer sa légitimité et défendre ses fondamentaux. En cela, il nous parait indispensable de préserver la finesse du questionnement clinique. C’est le meilleur moyen pour déconstruire et neutraliser les tentatives d’emprise des discours dominants.
Les dérives scientistes, héritières d’un positivisme d’un autre âge, mais qui se réclament de la science, voudraient nous imposer des modèles exclusivement biologiques, génétiques... Pour bénéficier des apports des neurosciences, le psychiatre se doit de maintenir sa position critique et sa capacité à penser, meilleurs garants de la qualité du soin qu’il propose.
Comment nous appuyer sur une clinique de l'énonciation, de l’écoute, de la rencontre, non pas fondée sur une nosographie de maladies fictives, mais sur la parole, l’expression et le discours du sujet dans le transfert ? Il s’agit de répondre au « combien » de la chosification par le chiffre par le « comment » d’une clinique au plus près d’une parole qui peut se libérer de l’emprise ou de ses effets.
Voilà quelques pistes de réflexion pour des Journées qui laisseront une large place au débat en plénière et en atelier, au plus près des préoccupations de chacun et des réalités.