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Pourquoi hystériques ? Pourquoi vouloir rapprocher ces deux termes en théorie antagonistes, violence et thérapeutique ?
Sorcière, possédée, hystérique, simulatrice, chochotte, petite nature, dépressive, bipolaire… depuis l’antiquité, la femme est diabolisée. Pourquoi ? À cause de sa puissance, à cause de la magie de son utérus ? La femme est capable d’enfanter. L’homme veut maîtriser cette force.
Si la puissance des femmes ne se résume pas à ça, c’est ça qui fait peur aux hommes. Ils sont dans des enjeux de pouvoir à la vie/à la mort. Alors ils soumettent la femme, ils la font taire, ils la domestiquent. Si elle parle, se plaint, se rebelle, s’affirme, elle devient la possédée qu’on exorcise, la sorcière qu’on brûle, la folle qu’on interne, l’hystérique qui dérange.
On a fait de l’utérus un fauteur de trouble, un Alien qui rend la femme impure et dangereuse.
Depuis la nuit des temps, les femmes doivent se soumettre et se taire, y compris et surtout quand elles subissent des violences : agression sexuelle, viol, inceste, esclavage domestique.
Quand on ne peut pas parler, quand on ne parvient pas à révéler le secret d’une violence subie, c’est le corps qui exprime. La parole bâillonnée, le désir censuré n’ont que les symptômes et les douleurs pour témoigner du traumatisme subi en silence dans une intimité odieuse.
Après les ecclésiastiques qui ont diabolisés les corps souffrants, ce sont les médecins qui se sont rendus complices de cette violence faite aux femmes en ne les écoutant pas, en jugeant leurs symptômes comme des manifestations anecdotiques… ou obscènes.
Impuissants à comprendre ces symptômes et à y répondre, les médecins ne se sont pas privés d’inventer des thérapeutiques barbares, se focalisant sur le corps sans écouter ces femmes.
Même la recherche médicale ne s’est pas attardée aux pathologies fréquentes des femmes : endométriose, trouble endocrinien, fibromyalgie, migraine, affections psychosomatiques.
Pourtant, le fonds de commerce des médecins, ce sont les femmes, il n’y a qu’à voir les revenus des charlatans de la médecine esthétique et ceux de l’industrie pharmaceutique.
Et les psychiatres, alors ? Au XIXème siècle, dès qu’une femme dérangeait l’ordre public ou la famille en osant prendre la parole, elle était internée dans des conditions ignobles. Lisez le Bal des folles de Victoria Mas, un roman qui donne une idée assez fidèle de la situation.
Mais tout n’est pas noir. Les psychiatres et les psychanalystes ont pris le temps d’écouter les femmes et leurs souffrances. Mais écouter ne veut pas dire comprendre. Ils ont oublié que la condition des femmes était en grande partie responsable de leurs symptômes. Certains même continuent à nier la réalité des traumatismes et la fréquence des agressions sexuelles précoces.
Hystériques ? Histoire de la violence thérapeutique faite aux femmes décrit ce processus de la violence thérapeutique. Mais il ne fait pas que dénoncer, il insiste sur le recours nécessaire des femmes qui consultent si elles ne sont pas entendues ou considérées comme des chochottes, si elle sont maltraitées, si on les prend pour des idiotes et des porte-monnaie ambulants.
Il s’agit pour ces femmes de devenir des patientes-expertes qui ne s’en laissent pas compter, qui exigent une information de qualité et ne signent jamais un consentement sans avoir pris connaissance de toutes les données, y compris en requérant d’autres avis médicaux.
Aujourd’hui, la parole se délie et les femmes se libèrent d’un carcan, mais rien n’est gagné !
Dans la grande majorité des cas, même si cela évolue positivement, les plaintes déposées pour violence, viol, agression, ne sont pas suivies d’effet. Et encore faut-il que la police accepte de recevoir ces plaintes. Pire, si la plainte est reçue, le plus souvent elle est classée sans suite par le procureur. Ce parcours du combattant produit un sinistre redoublement du traumatisme.
Refusons cette double violence : celle des pères incestueux, des adultes abuseurs d’où qu’ils viennent, particulièrement quand ils disposent d’une aura (prêtre, médecin, avocat, professeur, élu politique…) à quoi s’ajoute celle de l’omerta, de la surdité de la justice, de l’incompétence et de la maltraitance des avocats, des experts et des médecins.
Ce grand débat qui commence enfin à porter ses fruits n’est pas un grand déballage mais une libération et un accès à la réalité des violences faites aux femmes, depuis leur petite enfance, et partout dans le monde.
Il ne faut surtout pas que ce débat se referme. Mon livre veut participer à cette libération.
Thierry Delcourt.
*Hystériques ? Histoire de la violence thérapeutique faite aux femmes. Eyrolles, 2021