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THIERRY DELCOURT

THIERRY DELCOURT

CARREFOUR ENTRE ART, PSYCHIATRIE ET PSYCHANALYSE. Recherche sur le processus de création et la capacité créative dans le soin et l'existence


Vincent Van Gogh - Autoportrait – Automne 1887

Publié par thierry.delcourt.over-blog.com sur 5 Décembre 2014, 18:34pm

Catégories : #culture - art et psychanalyse, #artistes et création, #annonces -information, #Art thérapie, #psychanalyse, #psychiatrie

van_gogh.jpgVincent Van Gogh

Autoportrait réalisé à Paris – Automne 1887

Huile sur toile - 47x35 cm . Paris – Musée d’Orsay

 

Entre les Flandres qu’il quitte en 1886 et Arles où il séjournera à partir de février 1888, l’étape parisienne de Van Gogh bouleverse son regard, sa technique et sa pensée autour de la peinture, devenue sa seule raison d’être. Il s’extrait d’une austère et sombre expression, marquée par les grands maîtres flamands du clair-obscur, et expérimente sans répit dans la mouvance d’un art en plein bouleversement sur une scène parisienne très active.

L’impressionnisme s’essouffle déjà, bientôt relayé par la diversité des études picturales dites post-impressionnistes qui ont en commun l’engouement pour la couleur et l’illusion optique.

Nous sommes à l’aube de l’art abstrait, et déjà ses prémisses sont là, dans un art qui doit tenir compte de l’avènement de la photographie et y trouve une émulation sans précédent.
Comme le formulera justement Paul Klee trente ans plus tard, les artistes tentent de ‘rendre visible’ par une recherche sur les volumes, la couleur  et un réaménagement du rapport entre la forme et le fond. Tout cela agit sur la perception en offrant une présence, une émotion, une ‘stimmung’, climat cher aux phénoménologues qui partagent cette recherche perceptive dans le domaine philosophique. Il ne s’agit plus de ‘rendre le visible’, soit la réalité laissée sans regret à la photographie.

 

Vincent est accueilli à Paris au printemps 1886 par son frère Théo, marchand d’art qui facilite son introduction, le supporte dans une vie partagée parfois houleuse et lui assure subsistance. Ce rôle, Théo le tiendra jusqu’au suicide de Vincent en 1890. Celui-ci rencontre et se confronte picturalement à des peintres novateurs tels Signac, Cézanne, Emile Bernard, Gauguin, Toulouse-Lautrec. Sa palette s’éclaircit et surtout s’enrichit de la couleur vive et lumineuse qui explosera à Arles et à Saint-Rémy-de-Provence.

A Paris, il peint environ 230 tableaux, le plus souvent sur des supports de fortune, parfois réutilisés, pauvreté oblige. La plupart de ses autoportraits, soit plus d’une vingtaine sur les trente-cinq répertoriés dans son catalogue, proviennent de cette période.

Face à lui-même dans le miroir reflété, il s’inspire et trouve en se servant de son image. Il invente sans retenue ce que l’avènement de la couleur et la mise à distance du réalisme de ses jeunes années lui offrent. Il se presse d’attraper une technique qu’il maîtrisait mal et dépasse les audaces de ses maîtres au point que Cézanne lui assènera : ‘c’est une peinture de fou’.

Cet autoportrait peu connu et peu montré est peint à l’automne 1887. Il s’inscrit dans ce contexte de recherche et d’apprentissage, et Vincent Van Gogh y cherche sa façon de rendre en peinture une expression par des impressions optiques.

Il offre une présence immédiate et complice, posée et sans défiance ni nostalgie.

Son regard nous dit le plaisir à se peindre avec un enthousiasme retenu, à l’opposé de nombre de ses autoportraits qui expriment détresse, mélancolie et emprise souffrante du clivage de l’être.

Cette présence singulière est en étroite relation avec la clarté rayonnante, tel un flash centré sur le front de l’artiste. La lumière de peinture blanche, renforcée par un maillage lâche de hachures jaune vif, illumine le front pensant de Vincent traité comme un ensoleillement qui donne toute sa vivacité à la composition. Un tel travail de la lumière préfigure ses toiles ‘Champs de blé’ et ‘Semeur’ de se deux dernières années de peinture qui l’ont rendu si célèbre, malheureusement à titre posthume.

Le visage apparaît dans une exaspération et un jeu de contraste entre les couleurs primaires jaune, bleu et rouge, afin de laisser à l’œil sa faculté perceptive de complémentarité. Cette opération provoque, à travers l’anticipation de la synthèse visuelle, un surcroît d’intensité et de tension dans l’impression rendue.

Ce jeu de contraste et de complémentarité des couleurs primaires offre l’état d’âme avant même que le spectateur ne pense. De larges bâtonnets colorés hachurent l’espace, le jaune donnant la lumière, le rouge la profondeur et le bleu séduit par le vert, la marque du temps.

Ils illuminent et donnent forme, densité et profondeur à la composition.

La périphérie de ce visage est tout aussi intéressante. Le buste, habillé d’un vert tendre enluminé lui aussi par des bâtonnets de couleur primaire et d’un col léger et délicat, adoucit la forte présence du portrait. Le fond, sombre et auréolant le visage par un rehaut rayonnant de bleu, en renforce la brillance.

Van Gogh sera hanté durant sa trop courte vie de peintre par cette tentative de révélation qui donnerait au portrait sa dimension d’éternité. Il n’a jamais quitté l’espoir d’un idéal d’être intercesseur sauvant les hommes de leur pauvre condition.

Cet autoportrait est donc, avant tout, une affaire de perception, de conscience intuitive qui donne son existence et sa présence singulière au portrait de soi que tente Vincent. Il écrit :

« Je voudrais peindre des hommes et des femmes dotés de cet aspect d’éternel dont le symbole était autrefois l’auréole et que nous essayons d’exprimer par le rayonnement et les vibrations frémissantes de nos couleurs. Exprimer l’amour d’un couple par l’alliance de deux couleurs complémentaires, par leur mélange et leur contraste, par la vibration mystérieuse des tons se rapprochant. Exprimer le spirituel sur un front grâce au rayonnement d’un ton clair sur un fond obscur. »

Il est intéressant de rapprocher cet autoportrait de ‘Autoportrait de l’artiste en chapeau de feutre’ peint durant l’hiver 1887 et visible à la Fondation Van Gogh d’Amsterdam.

Le front n’y a pas ce rayonnement jaune et la composition, fermée par un fond circulaire d’authentique auréole, impose alors une présence sombre, austère et solennelle traduisant la mélancolie et l’exigence contrariée du peintre. Il s’apprête alors à partir pour Arles et y rejoindre la lumière devenue sa drogue pour lutter contre la mélancolie et l’usure qu’il ressent douloureusement.

 

                                                                                                    © Thierry Delcourt

 

 

  

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J
<br /> Bel article sur un artiste hors du commun, comme tous<br /> vos articles qui constituent pour moi une nourriture<br /> spirituelle. Il a eu une influencé sur mon côté jardin,<br /> tournesol, iris.. cyprès pas de place, sa peinture est<br /> ensoleillée, émouvante.<br /> <br /> <br />
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